Pacte Dutreil pour expatrié : est-il possible d’en bénéficier ?

Vous êtes expatrié et vous craignez que votre éloignement de la France ne transforme la transmission de votre entreprise en un cauchemar fiscal pour vos héritiers ? Rassurez-vous, le départ à l’étranger ne signifie pas nécessairement la fin des avantages fiscaux français. Nous analysons dans cet article les règles qui peuvent vous permetre de maintenir votre éligibilité au Pacte Dutreil. En les maîtrisant, vous pourrez sécuriser une exonération de 75 % sur la valeur de vos titres et éviter les pièges liés aux holdings étrangères.

Les points clés à retenir :

  • Un avantage fiscal accessible aux expatriés : le Pacte Dutreil permet d’exonérer 75 % de la valeur des titres transmis, à condition que la donation ou succession reste imposable en France.
  • L’importance de la territorialité (Art. 750 ter CGI) : l’éligibilité dépend de la résidence fiscale du donateur, du bénéficiaire ou de la localisation des actifs en France, sous réserve des conventions internationales.
  • Des engagements de conservation stricts : l’expatriation n’exempte pas de respecter l’engagement collectif (2 ans) et individuel (4 ans), qui doivent être parfaitement documentés.
  • La fonction de direction sous surveillance : la direction de l’entreprise doit être réelle et effective depuis l’étranger ; une gestion purement nominale expose à un risque majeur de requalification.
  • Vigilance accrue sur les holdings étrangères : pour être éligible, une holding non-résidente doit prouver son rôle d’animatrice active (conventions, facturation) et non de simple gestion patrimoniale.

Qu’est-ce que le Pacte Dutreil et pourquoi il intéresse les expatriés ?

Le Pacte Dutreil est un dispositif fiscal français créé pour faciliter la transmission d’entreprises familiales ou patrimoniales. En contrepartie d’un engagement de conservation et de direction, il accorde une exonération de 75 % de la valeur des titres transmis lors d’une donation ou d’une succession.

Concrètement, seuls 25 % de la valeur de l’entreprise entrent dans l’assiette imposable aux droits de mutation, à condition que toutes les exigences légales soient respectées (article 787 B du Code général des impôts).

L’objectif est simple : éviter la vente ou la liquidation d’une entreprise lors d’une transmission, en permettant à la nouvelle génération de conserver l’outil professionnel tout en réduisant fortement la fiscalité.
Le dispositif repose sur trois piliers essentiels :

  • Un engagement collectif de conservation : les associés s’engagent à détenir ensemble un pourcentage minimum des droits pendant au moins deux ans ;
  • Un engagement individuel de conservation : chaque bénéficiaire s’engage ensuite à conserver ses titres pendant quatre ans supplémentaires ;
  • L’exercice d’une fonction de direction : l’un des signataires doit assumer une direction effective pendant la durée du dispositif (au moins trois ans après la transmission).

Pourquoi ce régime intéresse particulièrement les expatriés

Les chefs d’entreprise ou actionnaires français installés à l’étranger sont de plus en plus nombreux à détenir des sociétés françaises, que ce soit une PME familiale, une holding animatrice ou une participation dans une structure opérationnelle. Or, au moment de préparer une donation à leurs enfants ou une succession, ils se demandent naturellement si le Pacte Dutreil reste applicable malgré leur départ fiscal hors de France.

C’est ici que la notion de territorialité entre en jeu, une transmission peut rester imposable en France si les titres transmis représentent des actifs français, si le donataire est résident français, ou si la convention fiscale applicable le prévoit.

Autrement dit, l’expatriation n’exclut pas le bénéfice du Pacte Dutreil, mais elle rend son application plus technique :

  • Il faut vérifier où s’exerce la direction effective de la société.
  • S’assurer que la transmission entre bien dans le champ d’imposition français.
  • Et documenter chaque condition (détention, direction, engagement) de manière irréprochable.

Pour les non-résidents, ce dispositif devient donc un outil de planification patrimoniale internationale puissant, permettant de transmettre un capital professionnel tout en bénéficiant de la fiscalité française avantageuse ; à condition d’anticiper.

Quand un expatrié peut-il encore bénéficier du Pacte Dutreil ?

Le Pacte Dutreil est un dispositif français, il s’applique uniquement lorsque la transmission est imposable en France. Pour un expatrié, tout l’enjeu consiste donc à déterminer si la donation ou la succession de ses titres entre bien dans le champ d’application de l’impôt français.

Cette question de territorialité fiscale est régie par l’article 750 ter du Code général des impôts (CGI) et complétée, le cas échéant, par les conventions fiscales internationales conclues entre la France et le pays de résidence du contribuable.

Transmission imposable en France : les trois situations prévues par le CGI

Selon l’article 750 ter du CGI, une transmission à titre gratuit (donation ou succession) est imposable en France dans les cas suivants :

Le donateur ou le défunt est résident fiscal français au moment de la transmission :

  • Dans ce cas, la France impose l’ensemble des biens, qu’ils soient situés en France ou à l’étranger.

Le donateur ou le défunt n’est pas résident fiscal français, mais le bénéficiaire (donataire ou héritier) l’est au moment de la transmission :

  • Ici encore, la France taxe tous les biens reçus, qu’ils soient situés en France ou non, sauf si une convention fiscale accorde la compétence au pays de résidence du donateur.

Le donateur et le bénéficiaire sont tous deux non-résidents, mais les biens transmis sont situés en France :

  • dans ce cas, la France ne taxe que les biens français ; notamment les titres d’une société française, même si les parties sont établies à l’étranger.

Si la transmission tombe dans l’un de ces trois cas, le Pacte Dutreil peut s’appliquer (sous réserve du respect des conditions habituelles).

Conventions fiscales : quand elles changent la donne

Certaines conventions fiscales internationales, notamment avec les pays à forte présence d’expatriés français (ex. Singapour, Émirats arabes unis, Royaume-Uni, Suisse, Luxembourg), peuvent modifier ces règles. lles déterminent quel État a le droit d’imposer la transmission ; parfois exclusivement la France, parfois le pays de résidence, et parfois les deux avec un mécanisme de crédit d’impôt pour éviter la double imposition.

Tableau comparatif des cas à connaître

SituationImposition en France ?Pacte Dutreil applicable ?Points de vigilance
Donateur non-résident → donataire résidentOui, selon art. 750 ter, 2°OuiVérifier les conventions fiscales
Donateur résident → donataire non-résidentOui, sur tous les biens (art. 750 ter, 1°)OuiAttention à la résidence du donateur au moment de la donation
Donateur et donataire non-résidents, titres d’une société françaiseOui, car actifs françaisOuiRisque de double imposition, selon la convention
Holding étrangère détenant des titres françaisPossible selon la localisation de la holdingOui, si la structure reste imposable en FranceVérifier la nature de la holding et l’activité animatrice

Accompagnement gratuit

Le Pacte Dutreil réduit la fiscalité, mais comment allez-vous gérer les capitaux transmis ou les dividendes de votre holding depuis l’étranger ? Assurance-vie, contrats de capitalisation ou comptes-titres : nos conseillers vous aident à construire l’enveloppe d’investissement adaptée à votre situation pour sécuriser l’après-transmission. Je réserve mon créneau !

Les conditions Dutreil appliquées à l’expatrié : comment les respecter depuis l’étranger

Pour un résident fiscal français, les conditions du Pacte Dutreil sont déjà strictes. Mais pour un expatrié, elles deviennent plus techniques. Voici comment adapter les trois piliers du dispositif lorsqu’on réside hors de France.

Engagements de conservation (collectif et individuel)

Le premier socle du Pacte Dutreil repose sur la conservation des titres transmis.

Les règles de base :

  • Engagement collectif : au moins deux ans, couvrant 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées, ou 10 % et 20 % pour les sociétés cotées.
  • Engagement individuel : à l’issue de la transmission, chaque bénéficiaire doit conserver les titres pendant 4 ans supplémentaires.

Application aux expatriés :

L’expatriation ne remet pas en cause la validité des engagements, à condition qu’ils soient constatés selon le droit français.

  • Il est recommandé de signer l’acte en France, devant notaire, ou de mandater un notaire français depuis l’étranger.
  • Si l’un des signataires devient non-résident en cours d’engagement, le dispositif demeure valable tant que les seuils et durées sont respectés.

Bonnes pratiques : une documentation claire et complète permet d’éviter les remises en cause lors d’un contrôle fiscal ; particulièrement fréquentes lorsque les signataires résident à l’étranger.

Fonction de direction : la vraie zone de risque en expatriation

Pendant toute la durée de l’engagement collectif, puis pendant trois ans à compter de la transmission, l’un des signataires (ou bénéficiaires) doit exercer une fonction de direction effective dans la société. Les fonctions admises varient selon la forme sociale :

  • Gérant (SARL, SNC, SCS)
  • Président, directeur général, membre du directoire ou du conseil de surveillance (SA, SAS)
  • Exploitant individuel (entreprise personnelle)

Lorsqu’un dirigeant vit à l’étranger, l’administration examine si la direction reste réelle et effective.

  • Une direction purement nominale, exercée par visioconférence sans véritable pouvoir décisionnel, peut être requalifiée.
  • Le transfert du siège social ou de la direction effective à l’étranger constitue un risque. Il peut entraîner la perte du régime Dutreil, au motif que l’entreprise n’est plus dirigée depuis la France.

Un expatrié peut tout à fait diriger à distance une société française, à condition que les décisions stratégiques soient prises en France et que cette réalité soit prouvée par des éléments concrets.

Obligations déclaratives et contrôles renforcés pour non-résidents

Le Pacte Dutreil s’accompagne d’un formalisme déclaratif strict, renforcé pour les non-résidents depuis la mise à jour du BOFiP du 30 mai 2024.

  • Engagement collectif de conservation : à déposer ou mentionner dans l’acte de donation ou de succession.
  • Engagement individuel : à joindre à la déclaration de transmission (formulaire n°2734).
  • Attestation annuelle de la société : certifiant le respect des engagements.
  • Attestation finale à l’issue de la période d’engagement : confirmant la conservation des titres et la direction effective.

De plus, les vérifications fiscales sont plus fréquentes pour les non-résidents, notamment sur :

  • la réalité de la direction effective (procès-verbaux, organigrammes, domiciliation) ;
  • la nature de l’activité (opérationnelle ou patrimoniale) ;
  • la régularité des attestations et la cohérence des documents transmis.

Cas des sociétés étrangères et holdings animatrices

L’un des critères essentiels du Pacte Dutreil est la nature de l’activité exercée par la société transmise. Ce point devient particulièrement délicat dès lors que la structure est située à l’étranger ou organisée sous forme de holding.

Conditions d’éligibilité de l’activité

Pour être éligible au dispositif Dutreil (article 787 B du Code général des impôts), la société dont les titres sont transmis doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les sociétés purement patrimoniales, c’est-à-dire se limitant à la gestion d’actifs financiers ou immobiliers, sont exclues du régime.

Ce principe vise à réserver l’exonération aux entreprises réellement actives, créatrices de valeur et d’emplois, et non aux structures de gestion de fortune.

Lorsqu’un expatrié détient des titres d’une société de ce type (PME française, société d’exploitation, société d’ingénierie, etc.), le dispositif s’applique pleinement. En revanche, la difficulté apparaît dans le cas, fréquent chez les non-résidents, d’une holding de tête qui détient d’autres entités.

Holdings animatrices : définition et critères (BOFiP 2024)

La holding animatrice constitue une exception admise par la doctrine fiscale. Il s’agit d’une société ayant pour objet de diriger, gérer et animer activement un groupe de filiales exerçant des activités opérationnelles.

Le BOFiP mis à jour le 30 mai 2024 a précisé les critères cumulatifs qui permettent de qualifier une holding d’animatrice :

  • Elle doit participer activement à la conduite de la politique du groupe, à son orientation stratégique et à la coordination de ses filiales.
  • Elle doit disposer de moyens humains et matériels propres pour exercer cette animation (locaux, personnel, comptes bancaires, frais de direction).
  • Elle peut détenir des actifs financiers, mais ceux-ci doivent rester accessoires à son rôle d’animation : la valeur des actifs affectés à l’animation doit représenter plus de 50 % de son actif brut.
  • Les prestations de services intragroupes doivent être effectives et facturées, et refléter une activité réelle.

La charge de la preuve repose sur le contribuable. Il doit démontrer que la société exerce une activité d’animation effective et non une simple détention passive de titres.

Spécificité des holdings étrangères détenues par des expatriés

Dans le cadre d’une expatriation, la détention d’une holding étrangère (Luxembourg, Dubaï, Singapour, Hong Kong, etc.) complique l’analyse. Le Pacte Dutreil peut, en principe, s’appliquer à des titres de sociétés étrangères si la transmission est imposable en France au titre de la territorialité.

Mais dans la pratique, l’administration exige une démonstration rigoureuse que cette holding :

  • anime effectivement ses filiales françaises, et
  • dispose de moyens réels d’animation identifiables, même si elle est établie à l’étranger.

Autrement dit, il ne suffit pas d’invoquer la qualité “animatrice” : il faut prouver une activité économique tangible.

Les documents les plus souvent requis lors des contrôles sont :

  • Conventions d’animation entre la holding et ses filiales ;
  • Factures de prestations de management ou de direction (management fees) ;
  • Procès-verbaux de conseil ou de direction attestant des décisions stratégiques prises au niveau du groupe ;
  • Rapports de gestion ou organigrammes démontrant la centralisation de la stratégie ;
  • Comptes consolidés faisant apparaître l’allocation des actifs et des charges liées à l’animation.

Une absence de ces éléments, ou la découverte d’une société “coquille vide” domiciliée à l’étranger, entraîne souvent une disqualification du statut d’animatrice et, par conséquent, la perte du bénéfice du Pacte Dutreil.

Accompagnement gratuit

Le Pacte Dutreil réduit la fiscalité, mais comment allez-vous gérer les capitaux transmis ou les dividendes de votre holding depuis l’étranger ? Assurance-vie, contrats de capitalisation ou comptes-titres : nos conseillers vous aident à construire l’enveloppe d’investissement adaptée à votre situation pour sécuriser l’après-transmission. Je réserve mon créneau !

Les questions les plus posées

Peut-on appliquer le Pacte Dutreil sur des titres démembrés (usufruit/nue-propriété) ?

Absolument. Le pacte peut être signé par l’usufruitier et le nu-propriétaire. Toutefois, pour l’exonération partielle, les droits de vote doivent être aménagés : l’usufruitier doit conserver les droits de vote pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, mais le nu-propriétaire doit avoir les droits de vote pour les autres décisions (notamment celles touchant à la substance de l’entreprise).

Quid si ma société a une activité mixte (commerciale et civile) ?

C’est la règle de la prépondérance qui s’applique. L’activité opérationnelle (éligible) doit représenter l’essentiel de l’activité réelle (chiffre d’affaires, moyens mis en œuvre). Si votre société gère à la fois une activité de conseil et un gros portefeuille immobilier passif, le risque de requalification est élevé si l’immobilier devient prépondérant.

Peut-on modifier l’engagement collectif en cours de route (ex: faire entrer un nouvel associé) ?

Oui, c’est possible d’admettre un nouvel associé dans un pacte existant (“adhésion”), à condition que l’engagement soit reconduit pour une durée minimale de 2 ans à compter de cette signature pour ce nouvel arrivant. Cela ne remet pas en cause les droits acquis des premiers signataires si les seuils globaux restent respectés.

L’interposition d’un trust anglo-saxon empêche-t-elle le Dutreil ?

Oui, très souvent. Le trust est une structure opaque pour le droit français qui transfère la propriété au “trustee”. Cela rompt généralement la chaîne de détention directe ou indirecte requise pour le Dutreil et pose d’énormes problèmes de reconnaissance de la propriété des titres par les bénéficiaires finaux au sens fiscal français.

Existe-t-il un plafond de montant pour l’exonération Dutreil ?

Non, il n’y a aucun plafond. Que la société vaille 1 million ou 100 millions d’euros, l’exonération de 75 % s’applique sur la totalité de la valeur des titres éligibles.

NOS DERNIERS ARTICLES SUR L'EXPATRIATION
Partagez cet article

DEMANDEZ VOTRE CONSULTATION GRATUITE

*Informations obligatoires